Les séniors : quels besoins, quelles envies?
25/05/2021
Le véritable enjeu de notre décennie est le vieillissement de la population française et l’explosion de la dépendance. L’EHPAD répond essentiellement à une problématique de fin de vie, en moyenne après 84 ans ; l’espérance de vie dans ce type d’établissement y est d’ailleurs très courte. La question majeure se situe avant l’entrée en EHPAD et réside en la capacité à mesurer les besoins, tant en termes quantitatifs que qualitatifs.
Vieillissement de la population et hébergement
On constate qu’entre 40 et 50 % des personnes de plus de 75 ans éprouvent des difficultés dans leurs activités quotidiennes. Entre 2020 et 2030, la cohorte des 75-85 ans va augmenter de 2 millions de personnes, de 1,1 million d’ici à 2025 ! Le besoin d’hébergements et de services adaptés pour cette population est en train d’exploser.
Pour répondre à cette forte demande, les acteurs privés sont en mesure de construire rapidement des hébergements adaptés aux seniors, mais la question centrale – que doivent se poser les acteurs de ce marché – demeure l’étude des nouveaux besoins et des nouvelles envies de cette catégorie de personnes. Qu’est-ce que la résidence services seniors de demain ? Comment éviter le phénomène de ghettoïsation et intégrer pleinement les seniors au reste de la population ? Le vrai sujet n’est finalement pas une problématique de capacité de production mais bel et bien le positionnement de l’offre d’hébergement au regard de l’évolution des attentes des nouvelles générations de seniors.
Le second élément central de cette analyse du vieillissement de la population française est la démographie. En France, on fait moins d’enfant qu’auparavant, ce qui augmente mécaniquement « la charge par enfant » et rend plus difficile pour un ou deux enfants de subvenir aux besoins de leurs parents. La baisse de la natalité a aussi renforcé l’importance de l’enfant pour ses parents. La relation entre parents et enfants est très forte et lorsque ces derniers quittent le cocon familial, une première déchirure se produit, d’autant plus si la séparation géographique est grande. Ceci représente une première phase de l’isolement. Lorsqu’ils quitteront à leur tour leur maison pour aller vivre en résidence seniors, ils doivent pouvoir conserver ce lien avec leurs enfants et les recevoir dans leur nouvelle habitation. Pour faire jouer à plein la solidarité intrafamiliale et intergénérationnelle, il faudra être en mesure de rapprocher les lieux de vie des seniors et de leurs enfants. Ce sont des freins qu’il faudra pouvoir lever.
Autre phénomène démographique qui change la donne : la multiplication des familles monoparentales. Autrefois, une personne pouvait aider et accompagner son conjoint. Aujourd’hui comme nous vieillissons moins en couple, la présence d’un aidant devient un sujet familial et social.
Un véritable enjeu de société
La création d’hébergement pour séniors représente un véritable enjeu de société qui ne se résume pas à reproduire le modèle actuel puisque le profil sociologique de notre population change.
Dans la grande majorité des métropoles, une offre est déjà existante. En se développant dans les zones concentrées à fort pouvoir d’achat où les clients sont les plus solvables, les résidences seniors ont avant tout répondu à une équation économique. Mais le tsunami démographique va également intervenir dans les quartiers périurbains et dans les villes moyennes, où les besoins d’hébergements pour seniors vont exploser, avec des caractéristiques sociologiques et économiques très différentes. Le modèle doit donc s’adapter pour répondre aux diverses facettes de ces populations des centres-villes des grandes métropoles, des quartiers péri-urbains et des villes moyennes.
L'évolution de l'hébergement des séniors
Pour comprendre la structuration du marché de l’hébergement des seniors, il convient de revenir dans les années soixante-dix. Trois révolutions ont alors lieu.
Trois révolutions de l’hébergement des seniors
La première concerne la loi du 30 juin 1975 qui crée le secteur du médico-social et considère que l’hébergement des personnes âgées ne se fera plus dans un cadre hospitalier. Les maisons de retraite sont alors créées.
La seconde révolution a lieu entre 1999 et 2001 avec la décision de tarifer tous les établissements de manière identique, qu’ils soient publics ou privés. Ce tarif est composé de trois composants : hébergement, dépendance et soin. En complément, tous les EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) devront signer une convention tripartite comportant de nombreux objectifs de qualité. Cette tarification a fait disparaitre les établissements de petite taille au profit des résidences de plus de 70 lits qui permettent de mutualiser les dépenses de soins. Ce modèle, parfois critiqué, s’est exporté à travers toute l’Europe. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les plus grands groupes d’exploitation d’EHPAD sont tous français. La concentration des acteurs privés a eu de nombreux effets positifs. Mais rappelons qu’ils ne représentent que 22 % des lits commerciaux en France, 50 % sont publics et les 28 % restants sont associatifs. Cette concentration des grands groupes privés a sensiblement augmenté la qualité des hébergements et des services proposés au sein des établissements. Ce phénomène a aussi provoqué une standardisation « vers le haut » des EHPAD. Nous arrivons aujourd’hui à la fin d’un cycle de modernisation de nos EHPAD.
La troisième révolution est devant nous. Elle consistera à repenser le modèle de l’EHPAD de 2030 pour les baby-boomers.
Le vieillissement est déjà en marche. La population des 75-84 ans a stagné entre 2010 et 2020 mais va exploser de plus de 45 % entre 2020 et 2030. Sur cette même décennie les 84 ans et plus vont se stabiliser. Cette tendance s’inversera à partir de 2030 avec l’explosion des 84 ans et plus et la stagnation des personnes de 75-84 ans. 2030 sera en conséquence le début de la grande dépendance ! La question se pose de la création de nouveaux EHPAD à l’horizon 2030. C’est donc maintenant que les Pouvoirs Publics doivent s’interroger sur l’hébergement des seniors et de l’adaptation des logements au vieillissement.
Une nouvelle génération de seniors
La nouvelle génération de seniors va se poser la question de son propre vieillissement. On observe déjà une mobilité géographique des seniors vers les centres-villes. De plus en plus de seniors envisagent cette « mobilité de logement » en quittant leur maison en périphérie des villes pour se rapprocher des commerces et services. Pourquoi ? Le profil type d’une personne âgée en résidence seniors est une femme veuve de 80 ans. Cette personne, à la mobilité réduite et n’ayant dans la plupart des cas plus de voiture pour se déplacer, vit dans un rayon géographique de 300 à 400 mètres autour de son habitation. La résidence seniors doit répondre en premier lieu au maintien du lien social, c’est-à-dire au besoin de rompre l’isolement par la proximité des commerces et des services.
Dans les prochaines années, il n’y aura pas un mais plusieurs modèles de résidences seniors prenant en compte la diversité des territoires et des populations. La résidence seniors telle que nous la connaissons continuera d’exister mais une forte volonté politique tend à développer l’habitat inclusif. Il s’agit là de pavillons – hébergeant environ 8 personnes – implantés dans des bourgs de communes de moins de 2 000 habitants. On commence également à voir des concepts d’hébergements pour seniors accolés à des EHPAD. Cet éventail de solutions permettra de répondre à des besoins multiples avec des niveaux de prix très différents.
En conclusion, et pour appréhender le marché des seniors de demain, il faut étudier la sociologie des personnes âgées, la démographie et son évolution au fil des années, ainsi que l’évolution des territoires. L’enjeu : offrir une réponse sur-mesure aux besoins des seniors de demain, qu’ils soient autonomes ou dépendants.
EHPAD et Résidences Services Seniors : comprendre leurs différences
Les EHPAD (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) et les Résidences Services Seniors entrent tous les deux dans la catégorie beaucoup plus vaste des Maisons de Retraite. La différence fondamentale entre ces deux types d’établissements, outre leur périmètre juridique, tient principalement dans le niveau d’autonomie des résidents et par conséquent dans leurs besoins de prise en charge.
Il convient donc d’opérer une distinction claire entre ces deux typologies : à la différence des EHPAD, les résidences services seniors ne sont pas des établissements médicalisés. Ces dernières ne proposent pas de prise en charge médicale organisée en lien avec l’ARS et un médecin coordinateur de leurs résidents, seule y est possible la mise en place d’une aide à domicile (aux frais du résident) ou le cas échéant l’intervention de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Elles ne peuvent, de fait, accueillir que des personnes âgées relativement autonomes. A contrario, les EHPAD sont en capacité d’accueillir à la fois des personnes âgées autonomes mais aussi des personnes âgées dépendantes, voire très dépendantes.
Définition et fonctionnement des EHPAD
Les EHPAD sont des structures qui dépendent du secteur social et médico-social au sens de l’article L. 312-1-I-6° du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF). S’agissant d’un établissement social ou médico-social, l’ouverture d’un EHPAD est expressément soumise à la délivrance d’une autorisation d’exploitation (article L312-1 et suivants). Celle-ci, délivrée après avis de la Commission d’Appel à Projet, est soumise à une procédure d’autorisation conjointe du Président du Conseil Départemental et du Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé (ARS). Valable 15 ans, elle fait l’objet d’évaluations internes et externes régulières pendant toute sa durée et lors de son éventuel renouvellement. Il y a donc un numerus clausus strict pour ce genre d’établissements qui ne peut être ouvert sans cette autorisation.
S’agissant d’un établissement devant délivrer des soins, il doit par ailleurs obtenir une autorisation et conclure avec les autorités de tarification soit une Convention Tripartite (si avant conclusion d’un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens – CPOM), soit chaque année un Etat Prévisionnel des Recettes et Dépenses (EPRD) fixant les objectifs de qualité de prise en charge et ses moyens financiers de fonctionnement (budget dépendance et hébergement délivré par le Conseil Général et budget soins délivré par l’ARS). Un EHPAD dispose de trois sources de rentrées financières :
- Le tarif hébergement: entièrement à la charge du résident qui peut sous condition de ressources bénéficier de certaines aides (APL/ALS) qui couvre toutes les dépenses relatives à l’hôtellerie, la pension… Dans certains établissements habilités à l’aide sociale, tout ou partie de ce tarif hébergement peut être pris en charge par le Conseil départemental.
- Le tarif dépendance: ce tarif est variable en fonction du degré de dépendance de la personne hébergée (évalué par un médecin en fonction d’une grille d’évaluation – de GIR 1 très dépendant à GIR 6 pas de dépendance notable), il est pris en charge par le résident avec possibilité de bénéficier de l’APA).
- Le tarif soins: entièrement pris en charge par l’assurance maladie.
Il s’agit donc d’établissements recevant un public potentiellement très dépendant et nécessitant alors un personnel de soins et d’accompagnement conséquent (environ 0,6 équivalent temps plein par résident).
Ne pas confondre EHPAD et Résidences avec services pour Seniors
Les résidences avec services pour seniors gérées par un exploitant professionnel ne sont quant à elles pas destinées à l’accueil de personnes âgées dépendantes mais de personnes âgées encore autonomes. Ces résidences, non soumises à des procédures d’autorisation d’ouverture préalables, s’adressent majoritairement à des personnes de plus de 75 ans à la recherche d’un hébergement sous forme d’appartements (du type 1 au type 3 en général) accompagné de services complémentaires : restauration, conciergerie, animations… Côté tarifs, deux composantes sont à souligner : l’hébergement et les services (restauration, blanchisserie, ménage…). La tarification des services fonctionne généralement sous forme de forfaits, avec des services additionnels et optionnels.
A noter qu’en fonction des services proposés – à la personne ou services d’aide et d’accompagnement à domicile – elles doivent cependant obtenir des agréments des services de l’Etat.
S’agissant de seniors autonomes, il s’agit d’un choix de la part des résidents d’opter pour un nouveau mode d’hébergement. Les moteurs dans la prise de décision sont les suivants :
- Rompre leur isolement et, tout en gardant son indépendance, vivre avec d’autres personnes
- Faire le choix d’un logement configuré conformément à leur nouveau mode de vie (présence d’ascenseurs, salle d’eau adaptée, cuisine aménagée…)
- Bénéficier des services aptes à faciliter leur quotidien : restauration, aide à domicile, assistance 24h/24
A la différence des EHPAD, ces résidences services offrent des logements privatifs plus grands et dont la définition est au final très proche d’un appartement traditionnel avec, en outre, la possibilité pour le résident d’apporter ses effets personnels et du mobilier lui appartenant. Tout cela concourt à renforcer le sentiment de vivre chez soi, dans un environnement adapté à ses besoins et aux nouvelles contraintes que l’avancée en âge et l’isolement engendrent. S’agissant de seniors autonomes, leur besoin de lien social passe aussi par une accessibilité aisée aux commerces de proximité, aux transports en commun et aux conditions d’accueil de leur famille, autant de critères importants dans leur choix d’un nouvel habitat.
L’hébergement seniors, l’enjeu de demain
Ce besoin d’un hébergement dédié aux seniors autonomes apparait d’autant plus important qu’aujourd’hui moins d’un logement sur dix a fait l’objet de travaux d’adaptation. Par ailleurs, chaque région verra le nombre de personnes de plus de 75 ans augmenter de plus de 45 % à horizon 2040 d’après les dernières prévisions de l’INSEE. Même si le nombre de résidences services augmente chaque année, le sujet de leur hébergement deviendra très bientôt un enjeu crucial.
Selon l’INSEE, si les personnes de plus de 75 ans représentent aujourd’hui environ 9 % de la population, ils regrouperont plus de 12 % de la population à horizon 2030. Depuis plusieurs années, malgré cette pression démographique, les autorisations d’ouvertures d’EHPAD sortent au compte-goutte… Mécaniquement, les EHPAD accueillent une population toujours plus dépendante, laissant malheureusement les personnes moins dépendantes et celles quasiment autonomes dans l’incapacité de trouver un hébergement, ces dernières se tournant de plus en plus vers les résidences services.
Nous sommes donc, tant pour le sujet des EHPAD que pour le sujet de résidences services seniors qui répondent, vous l’aurez compris, à des besoins différents, confrontés à un enjeu social et sociétal. Il appartient à tous les acteurs concernés, qu’ils soient publics ou privés, de trouver les réponses à ce défi majeur.
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